...C'est à la même époque (1987) que je me trouve, perplexe, face à la question que me posent étudiants et professeurs lors de mes master-classes au Conservatoire de Chine à Pékin, à savoir : que faire aujourd'hui, "dans la musique contemporaine", de leur musique traditionnelle qui, arrivée à un point extrême de perfection et de professionnalisme dans l'exécution, reste comme bloquée et sans issue dans ses frontières culturelles ? Je ne pouvais répondre que très prudemment, mais n'en pensais pas moins que, si "l'Empire du Milieu" a inventé à peu près tout, c'est "l'Empire de l'Occident" qui a su y introduire la dimension de (l'opé)rationnel ; se dotant, pour ce qui est de la musique, d'une Règle commune – la gamme sortie, elle, de la Nature, de la loi physique – il aura permis à "sa" musique de devenir transmissible et, par-là même, universelle.
Et si, dans cette voie royale qui, à mes yeux, va avec une logique implacable du grégorien à l'électroacoustique, je me sens irrémédiablement attiré par la ténébreuse alchimie harmonique de Gesualdo, de même que par la chimie chromatique wagnérienne qui annonce la modernité en corrodant, en douceur, les fondements mêmes du système musical occidental, je crois que la Mesure de tout, l'Absolu qui demeure quand tout le reste est épuisé, ce sera pour moi, toujours, Mozart.
© (Extrait du Livre/2CD, consacré à Ivo Malec - Éd.Motus, Paris, 1999).
